
Regardez par la fenêtre ou marchez dans votre quartier. Les jardins qui vous entourent semblent être le fruit de choix purement personnels : une préférence pour les pivoines, une décision pratique pour une haie de cèdres, un goût pour les lignes droites ou les courbes sinueuses. On pense souvent que l’aménagement paysager est une question de mode, d’esthétique ou de budget. Mais si ces choix n’étaient pas si individuels? Si votre plate-bande, la clôture du voisin ou même la pelouse immaculée du quartier racontaient une histoire bien plus vaste, ancrée dans des siècles de culture, de contraintes économiques et d’aspirations sociales?
C’est ici que nous quittons le simple jardinage pour entrer dans l’ethnologie du paysage. La véritable clé pour comprendre nos jardins québécois n’est pas seulement de connaître le nom des plantes, mais de savoir lire la grammaire paysagère qui les organise. Chaque jardin est une archive vivante, un texte qui, une fois déchiffré, révèle les valeurs d’une époque. Le potager n’est plus seulement un carré de légumes, mais un symbole de résilience; la pelouse n’est plus une simple étendue d’herbe, mais une déclaration de statut social. Cet article vous propose un voyage dans le temps pour vous donner les clés de ce décodage.
Ensemble, nous explorerons comment le besoin de subsistance a façonné les jardins de la Nouvelle-France, comment les rêves de l’aristocratie européenne ont fleuri sur les flancs du mont Royal, et comment l’idéal du rêve américain s’est matérialisé en banlieue sous la forme d’un gazon parfait. Nous verrons que derrière chaque tradition se cache une histoire fascinante qui continue d’influencer la façon dont nous habitons notre territoire aujourd’hui.
Pour vous guider dans cette exploration fascinante, cet article est structuré comme une machine à remonter le temps. Chaque section vous plongera dans une époque ou un style particulier, vous apprenant à en reconnaître la signature horticole unique.
Sommaire : Décrypter l’ADN de nos paysages : une lecture des jardins québécois
- Sur les traces des géants verts du Québec : découvrez notre riche héritage horticole
- Elsie Reford, la pionnière qui faisait fleurir l’impossible : les leçons des Jardins de Métis
- Un voyage dans le temps : concevoir un jardin inspiré de la Nouvelle-France
- L’esthétique de la maison de rang : recréez le charme simple du jardin de nos grands-mères
- Quand la bourgeoisie de Montréal rêvait de campagne anglaise : l’héritage du jardin romantique
- Le rêve américain en banlieue de Montréal : l’histoire du jardin de bungalow
- Quand le potager était un acte de résilience : la riche histoire des jardins communautaires
- Sommes-nous en train de créer la tradition paysagère du 21e siècle ?
Sur les traces des géants verts du Québec : découvrez notre riche héritage horticole
Avant de déchiffrer les jardins individuels, il faut comprendre que le paysage québécois est le fruit d’une longue histoire, bien plus ancienne que l’arrivée des premiers colons. Comme le rappelle Espace pour la vie, il est essentiel de reconnaître l’héritage horticole des Premières Nations, notamment la culture des « Trois Sœurs » (maïs, haricot, courge), une polyculture ingénieuse qui forme la strate la plus profonde de notre mémoire agricole. C’est sur ce terreau ancestral que se sont superposées les traditions européennes, créant un dialogue culturel fascinant.
Aujourd’hui, cet héritage est préservé et célébré dans des institutions devenues des références mondiales. Le Jardin botanique de Montréal, par exemple, n’est pas qu’un simple parc; il s’agit d’une encyclopédie vivante qui s’étend sur 75 hectares et abrite près de 22 000 espèces de plantes. C’est un conservatoire de la biodiversité mondiale, mais aussi de notre histoire. Chaque serre thématique, chaque jardin extérieur est un chapitre de cette grande saga botanique qui lie le Québec au reste du monde.
Au-delà des institutions, ce sont des individus visionnaires qui ont façonné notre patrimoine. Ces « géants verts » ont su voir le potentiel de notre climat rigoureux et de nos sols variés. L’un des exemples les plus spectaculaires est celui des Jardins de Métis. Créés par Elsie Reford entre 1926 et 1958, ces jardins sont un tour de force horticole, abritant plus de 3 000 espèces et variétés sur un site aujourd’hui classé historique national du Canada. Ces lieux ne sont pas de simples attractions; ils sont la preuve vivante qu’avec de l’audace et de la persévérance, il est possible de créer une beauté luxuriante même dans des conditions difficiles. Ils incarnent l’esprit pionnier qui définit une grande partie de notre relation au territoire.
Elsie Reford, la pionnière qui faisait fleurir l’impossible : les leçons des Jardins de Métis
Parmi les figures marquantes de notre patrimoine horticole, Elsie Reford occupe une place à part. Son œuvre, les Jardins de Métis, est bien plus qu’une collection de plantes exotiques; c’est le testament d’une volonté de fer et d’une vision artistique hors du commun. Entre 1926 et 1958, elle a relevé un défi que beaucoup jugeaient impossible : transformer un camp de pêche sur les rives du Saint-Laurent en l’un des plus beaux jardins d’Amérique du Nord. Selon les données de Bonjour Québec, Elsie Reford a réussi l’exploit d’acclimater 3 000 espèces et variétés de plantes dans le climat gaspésien.
Son triomphe le plus célèbre reste sans doute l’acclimatation du pavot bleu de l’Himalaya (Meconopsis betonicifolia), une fleur à la beauté éthérée et réputée pour sa culture difficile. Réussir à le faire fleurir en abondance en Gaspésie était un exploit qui a assis sa réputation internationale. Cette fleur est devenue le symbole de sa persévérance et de son génie horticole.

Mais l’héritage d’Elsie Reford dépasse largement le cadre du jardinage. Comme le souligne une exposition qui lui est consacrée, elle était bien plus qu’une simple horticultrice. Elle incarnait une nouvelle forme de leadership féminin à une époque où ce domaine était presque exclusivement masculin :
Elsie Reford était non seulement une horticultrice, mais une figure d’émancipation féminine qui a investi un domaine alors quasi exclusivement masculin avec une approche scientifique et artistique audacieuse.
– Exposition Elsie vue par…, Jardins de Métis
La leçon des Jardins de Métis est donc double. C’est une leçon de résilience végétale, prouvant que l’audace peut surmonter les contraintes climatiques. C’est aussi une leçon d’histoire sociale, nous rappelant que les grands paysages sont souvent l’œuvre de personnalités visionnaires qui ont osé défier les conventions de leur temps.
Un voyage dans le temps : concevoir un jardin inspiré de la Nouvelle-France
Remontons aux origines de l’habitation française en Amérique. Le jardin de la Nouvelle-France n’a rien à voir avec l’ornementation. C’est un espace de travail, un outil de survie dont la grammaire est dictée par la fonction et la nécessité. Son esthétique découle de son utilité : des lignes droites, des carrés faciles à entretenir, et une absence quasi totale de ce que nous considérerions aujourd’hui comme de la « décoration ». Pour décoder ce jardin, il faut comprendre qu’il était organisé autour de trois pôles vitaux.
Cette structure pragmatique est le reflet direct des conditions de vie de l’époque. Chaque plante avait une raison d’être, chaque parcelle une mission. On peut résumer sa composition ainsi :
- Le potager de subsistance : C’était le cœur du jardin, dédié à l’alimentation de la famille. On y cultivait principalement des plantes robustes et nutritives comme les choux, les pois, les fèves et les légumes-racines, capables de survivre au climat et d’être conservées pour l’hiver.
- Le jardin de simples : Une véritable pharmacie à ciel ouvert. Ce coin abritait des plantes médicinales, un savoir souvent hérité des communautés autochtones ou importé d’Europe. On y trouvait par exemple le thé du Labrador pour ses vertus thérapeutiques ou la savoyane (racine d’or) pour traiter les affections buccales.
- Le coin des fleurs à bouquets : Même dans un contexte de survie, une petite place était parfois laissée à la spiritualité et à la communauté. Cet espace modeste était réservé aux fleurs destinées à orner l’autel de l’église, un geste qui liait le foyer à la vie paroissiale.

Cette organisation tripartite révèle une société où l’autosuffisance alimentaire, la santé et la foi étaient les piliers de l’existence. Recréer un jardin inspiré de cette époque, c’est donc moins une question de choisir des fleurs « ancestrales » que d’adopter une philosophie où chaque élément du paysage a une fonction tangible. C’est un retour à l’essence même du jardinage : cultiver pour se nourrir, se soigner et maintenir le lien social.
L’esthétique de la maison de rang : recréez le charme simple du jardin de nos grands-mères
Si le jardin de la Nouvelle-France était celui de la survie, le jardin qui borde la maison de rang des campagnes québécoises est celui de la communauté et de l’enracinement. Au 19e et début du 20e siècle, à mesure que la subsistance devient moins précaire, un espace se libère pour l’agrément. Mais cet agrément n’est pas individualiste; il se construit à travers les échanges et le partage. C’est l’émergence d’un véritable paysage social, dont les pivoines, les iris et les hémérocalles sont les protagonistes.
La tradition voulait que ces plantes vivaces robustes, capables de traverser les rudes hivers, soient partagées entre voisins. Une nouvelle mariée recevait des divisions de touffes de sa mère ou de sa voisine pour commencer son propre jardin. Ce geste simple a eu un impact visuel énorme, comme en témoigne cette observation sur les pratiques horticoles traditionnelles :
Les pivoines, iris et hémérocalles étaient traditionnellement échangés par division de touffe entre voisins, créant une palette de couleurs régionale distinctive et un véritable paysage social dans les campagnes québécoises.
Cette pratique explique pourquoi on retrouve souvent les mêmes variétés de fleurs d’un bout à l’autre d’un même rang. Le jardin devenait le reflet des liens sociaux du village. L’autre caractéristique de ce jardin est son vocabulaire unique. Loin des appellations botaniques latines, le peuple a baptisé ses fleurs avec une poésie qui lui est propre, créant une nomenclature vernaculaire savoureuse.
Ce tableau illustre bien cette appropriation culturelle, un véritable exercice de traduction poétique du monde végétal.
| Nom québécois traditionnel | Nom commun français | Nom botanique |
|---|---|---|
| Fleur de lys | Hémérocalle | Hemerocallis |
| Gueule-de-loup | Muflier | Antirrhinum |
| Cœur saignant | Dicentre | Dicentra spectabilis |
Recréer le charme du jardin de nos grands-mères, c’est donc embrasser cette philosophie du partage et de la simplicité. C’est choisir des vivaces résilientes qui ont fait leurs preuves et comprendre que la beauté d’un jardin réside autant dans ses fleurs que dans les histoires et les liens humains qu’elles représentent.
Quand la bourgeoisie de Montréal rêvait de campagne anglaise : l’héritage du jardin romantique
À la même époque où les jardins de rang se paraient de vivaces partagées, une tout autre tradition paysagère prenait racine sur les flancs du mont Royal et dans les riches demeures du Golden Square Mile. Pour la bourgeoisie anglophone industrielle de Montréal, le jardin n’était plus un espace de subsistance ou de communauté, mais une scène de théâtre social et un symbole de statut. Tournant le dos au style français rectiligne, elle importe un idéal : le jardin romantique à l’anglaise.
La grammaire de ce jardin est radicalement différente. Fini les lignes droites et les carrés fonctionnels. On recherche l’illusion d’une nature idéalisée, sauvage mais maîtrisée. Les sentiers deviennent sinueux, les pelouses ondulent, et les massifs de fleurs adoptent des formes organiques. On crée des « tableaux » paysagers avec des points de vue soigneusement étudiés, des bosquets d’arbres et des pièces d’eau. Le but est de recréer l’émotion d’une promenade dans une campagne anglaise bucolique, même en plein cœur de la ville.
Mais importer un style, c’est aussi en importer les défis. Le climat québécois, avec ses hivers glaciaux et ses étés parfois écrasants, n’est pas celui de la campagne anglaise. Les jardiniers de l’époque ont dû faire preuve d’une immense ingéniosité pour acclimater des espèces non indigènes et protéger leurs précieuses plantations. Comme le note Alexander Reford, historien des Jardins de Métis, ces défis n’étaient pas vains :
Les défis et innovations nécessaires pour faire survivre des espèces typiques du jardin anglais dans le climat de Montréal préfiguraient les expériences de pionniers comme Elsie Reford.
– Alexander Reford, Histoire des Jardins de Métis
Cet héritage est encore visible aujourd’hui dans de nombreux parcs publics montréalais (comme le parc Westmount) et autour des maisons victoriennes cossues. Il nous apprend que le jardin peut aussi être une expression d’aspiration culturelle, une tentative de modeler le paysage local à l’image d’un idéal lointain. C’est une page fascinante de notre histoire, où le jardinage devient un acte d’acclimatation non seulement pour les plantes, mais aussi pour les idées.
Le rêve américain en banlieue de Montréal : l’histoire du jardin de bungalow
Après la Seconde Guerre mondiale, un nouveau type de paysage émerge et va radicalement transformer le visage du Québec : la banlieue. Avec elle naît le jardin de bungalow, dont la grammaire paysagère est dictée non plus par la subsistance ou l’idéal romantique, mais par le rêve américain de la propriété individuelle et de la modernité. L’élément central, l’obsession de cette nouvelle esthétique, est la pelouse.
Auparavant simple tapis de verdure dans les grands domaines, le gazon devient l’élément principal et un puissant marqueur social. Avoir une pelouse verte, dense et parfaitement tondue devient un signe extérieur de réussite, d’ordre et d’intégration dans la classe moyenne. Comme le confirment les archives, ce n’est pas un hasard :
La pelouse parfaite est arrivée au Québec via la publicité d’après-guerre comme un symbole de statut social et d’adhésion au ‘suburban dream’.
– Archives publicitaires Scotts, Histoire du jardinage québécois
Autour de cette mer de verdure s’organise une composition quasi immuable, une sorte de « sainte trinité » du jardin de bungalow des années 60 et 70. Cette formule, simple et reproductible, a été adoptée massivement, créant le paysage de banlieue uniforme que nous connaissons encore aujourd’hui. Vous pouvez facilement auditer votre propre quartier à la recherche de ces éléments codifiés.
Plan d’audit : Retrouvez les codes du jardin de bungalow
- La haie de délimitation : Vérifiez la présence quasi systématique d’une haie de cèdres (thuyas). Sa fonction n’est pas seulement esthétique; elle vise à garantir l’intimité, un concept clé de la vie en banlieue.
- La plantation de fondation : Observez la base de la maison. Vous y trouverez presque toujours une rangée de conifères nains, typiquement des genévriers ou de petits thuyas globulaires, destinés à « asseoir » la maison dans le paysage.
- L’arbre solitaire : Repérez l’arbre unique, souvent un érable de Norvège ou un autre arbre à croissance rapide, planté au milieu de la pelouse. Il sert de point focal et de symbole de permanence.
- L’absence de potager en façade : Notez que l’avant de la maison est un espace purement ornemental. Le potager, s’il existe, est relégué à l’arrière-cour, invisible depuis la rue.
- La courbe décorative : Identifiez la plate-bande solitaire en forme de courbe douce, souvent au pied de l’arbre ou au coin de la propriété, rompant à peine la monotonie du gazon.
Le jardin de bungalow est donc une archive vivante de l’optimisme et du conformisme de l’après-guerre. C’est l’histoire d’une société qui a troqué la diversité du jardin de rang contre l’uniformité rassurante de la banlieue, faisant de l’entretien du gazon un rituel quasi civique.
Quand le potager était un acte de résilience : la riche histoire des jardins communautaires
Si la pelouse de banlieue représente le jardin comme symbole de statut individuel, une autre tradition, plus discrète mais tout aussi puissante, raconte l’histoire du jardin comme outil de résilience collective : celle des jardins communautaires et des potagers urbains. Cette tradition n’est pas une invention récente; elle plonge ses racines dans les moments de crise où la collectivité a dû se tourner vers la terre pour survivre et s’unir.
L’exemple le plus marquant est sans doute celui des « Jardins de la Victoire » durant les deux guerres mondiales. Face aux pénuries alimentaires et à l’effort de guerre, le gouvernement a encouragé les citoyens à transformer chaque lopin de terre disponible en potager. Terrains vagues, parcs et arrière-cours des villes comme Montréal et Québec sont devenus de vastes potagers patriotiques. Comme le documente l’histoire, jardiner n’était plus un passe-temps, mais un devoir civique, une manière de participer à la victoire depuis son propre quartier. Cet épisode a laissé une marque profonde dans la mémoire collective, associant le potager urbain à un acte de solidarité et d’autonomie.
Après une période de dormance durant l’opulente après-guerre, cette tradition a connu un renouveau spectaculaire dans les années 1970 et 1980, porté par une nouvelle conscience sociale et environnementale. C’est la naissance des jardins communautaires modernes, des espaces où l’on cultive bien plus que des légumes. On y cultive le lien social, l’échange de savoirs et l’intégration des nouveaux arrivants. Cet essor a été fulgurant. À titre d’exemple, le renouveau des années 1970-80 a mené à plus de 100 jardins communautaires à Montréal en 2024, formant un réseau vert vital pour la ville.
La riche histoire des jardins communautaires nous enseigne que lorsque l’espace se fait rare et que les besoins sont grands, le jardin redevient ce qu’il était à l’origine en Nouvelle-France : un outil essentiel de subsistance et de cohésion sociale. Il est la preuve que même dans la plus dense des villes, le besoin de mettre les mains à la terre et de coopérer ne disparaît jamais vraiment.
À retenir
- Le jardin québécois est un miroir de la société : sa forme et sa fonction évoluent selon les contraintes économiques (subsistance), les aspirations sociales (statut) et les valeurs culturelles (communauté).
- Chaque style paysager possède sa propre « grammaire », de l’agencement pragmatique du jardin de la Nouvelle-France à la formule codifiée du bungalow de banlieue.
- La tradition horticole n’est pas statique; elle est en constante adaptation, comme le montrent aujourd’hui le retour des plantes indigènes et l’adoption de pratiques écologiques en réponse aux changements climatiques.
Sommes-nous en train de créer la tradition paysagère du 21e siècle ?
Après avoir voyagé à travers les jardins du passé, une question se pose : quelle histoire nos propres jardins raconteront-ils aux générations futures? Tout porte à croire que nous sommes les acteurs et les témoins de l’émergence d’une nouvelle tradition paysagère, une tradition façonnée non plus par la subsistance ou le statut social, mais par la conscience écologique et la nécessité de s’adapter aux changements climatiques.
Cette nouvelle grammaire paysagère se définit par une rupture avec le modèle de la pelouse stérile et gourmande en ressources du 20e siècle. Plusieurs tendances fortes dessinent les contours de ce jardin du futur. D’une part, on assiste à une gestion de l’eau plus intelligente. Face aux épisodes de pluie intense et de sécheresse, des solutions comme les jardins de pluie se multiplient. Selon Espace pour la vie, on observe une augmentation de 300% des projets de jardins de pluie depuis 2020 au Québec, une preuve que les citoyens adaptent leur terrain pour en faire un allié dans la gestion des eaux pluviales.
D’autre part, le choix des plantes est de plus en plus guidé par la biodiversité. Le retour en force des plantes indigènes, longtemps considérées comme de « mauvaises herbes », est significatif. Des organismes comme Espace pour la vie promeuvent activement l’intégration de l’asclépiade pour le monarque ou de la verge d’or pour les pollinisateurs locaux. Ce n’est plus seulement un choix esthétique, mais un acte concret pour soutenir les écosystèmes locaux, une réponse directe à la crise de la biodiversité. Ce tableau résume bien la transition que nous vivons :
| Pratique du 20e siècle | Pratique émergente du 21e siècle |
|---|---|
| Pelouse uniforme | Pré fleuri diversifié et xéropaysagisme |
| Annuelles décoratives importées | Vivaces indigènes et résilientes |
| Arrosage intensif et systématique | Récupération d’eau de pluie et choix de plantes adaptées |
| Pesticides et engrais chimiques | Lutte biologique intégrée et compostage |
Le jardin du 21e siècle semble donc être celui de la collaboration avec la nature, plutôt que de la domination sur elle. C’est un jardin qui travaille : il gère l’eau, nourrit les pollinisateurs, régénère le sol. Il est moins une vitrine qu’un écosystème fonctionnel. C’est peut-être là la signature horticole que nous laisserons en héritage.
L’étape suivante est simple : sortez et regardez. Munis de ces nouvelles clés de lecture, examinez votre propre jardin ou ceux de votre rue. En décelant les strates de notre histoire collective qui s’y cachent, vous ne verrez plus jamais un simple aménagement paysager, mais bien le reflet fascinant de l’identité québécoise.